Toutes Les Vagues De L'océan by Victor Del Arbol

Toutes Les Vagues De L'océan by Victor Del Arbol

Auteur:Victor Del Arbol [Del Arbol, Victor]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Actes Noirs
Publié: 2015-02-03T23:00:00+00:00


José Díaz était un homme volontaire et passionné, et au fond de ses yeux noirs (aussi noirs que ses cheveux, coiffés à la va-vite) était tapi le petit Sévillan qui avait débuté comme boulanger. Mais l’homme était aussi capable d’une analyse froide de la situation et il avait une capacité d’organisation hors du commun. La combinaison de ces vertus l’avait poussé jusqu’au secrétariat du PCE, le Parti communiste Espagnol, après avoir orchestré avec efficacité les grèves contre la tentative militaire du putschiste Sanjurjo. Il marchait lentement, un peu penché en avant, et Elías crut lire sur ses lèvres une grimace de douleur quand il se palpa l’estomac. Il s’arrêta devant une sculpture en bronze de Staline, dans une clairière entre deux hauts sapins, et lui jeta un coup d’œil pragmatique.

— Il n’est pas si grand que cela, et un peu plus gros.

— Tu connais Staline ?

José Díaz aspira une bouffée de sa cigarette, la saisit sans enlever son gant noir en peau, et l’écrasa avec le talon.

— Personne ne connaît vraiment Staline. Les grands hommes comme lui se réfugient dans la brume.

Il tapota amicalement l’épaule de la sculpture et reprit la promenade.

Quelques mètres plus loin, José Díaz s’immobilisa devant un chemin de terre qui donnait sur une aile du sanatorium, l’unité des maladies respiratoires. Phtisiques, tuberculeux et cancéreux. Des clients fortunés ou pistonnés. Aucun ouvrier ne pouvait se payer un traitement dans ce lieu. Le secrétaire du PCE regarda le bâtiment avec une tristesse indéfinissable, comme si celui-ci symbolisait la prémonition de ce qu’ils essayaient de construire.

— Tu as des nouvelles de ce qui se passe en Espagne ?

Elías secoua la tête.

— J’avais déjà pas mal à faire pour rester en vie.

José Díaz n’était pas un dirigeant quelconque, il était aussi un homme comme les autres. Et il n’en avait pas honte.

— Ce qui t’est arrivé, je ne peux même pas l’imaginer. – Il lança un coup d’œil sur le bandeau qui cachait l’orbite vide. – Je n’aurais pas tenu une semaine, et je sais que la réaction de la veuve de Lénine t’a surpris. Disons que les relations sociales, l’empathie, ce n’est pas son fort… Mais elle a raison. Il ne faut pas rendre public le rapport de Velichko.

Il s’attendait à ce qu’Elías proteste ou manifeste son désaccord, mais le jeune homme se contenta de tourner la tête et d’observer l’accès du bâtiment où entraient et sortaient des gens en blouse blanche et des malades. Ce regard vide, à jamais perdu, attrista profondément Díaz. Et pourtant, il devait convaincre ce garçon que le mieux était d’enterrer l’affaire.

— En Espagne, une guerre se prépare. Personne ne veut le croire, mais l’évidence est là. C’était prévisible dès le jour de la proclamation de la République, Alphonse XIII lui-même l’a dit avant de partir en exil : “Je m’en vais pour éviter de répandre le sang espagnol.” D’accord, il est parti parce qu’on l’a chassé, mais il avait quand même raison. La tentative de Sanjurjo, il y a deux ans, était un échauffement, une répétition.



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